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Rahan sur le divan

 

Psychanalyse de Rahan

Fantôme psychique d'un héros de BD

 

cliquer pour agrandirParu depuis mai 2000 ce livre, écrit par Pascal Hachet,156 pages et en couverture un dessin original de Chéret (en noir et blanc).
aux Editions de l'
Harmattan

90 FF (+20 FF de port pour la France)- ISBN : 2-7384-9157-X

ou sur les librairies en ligne.

Toutes les infos en fin de page, après la communication.


Une communication de : Pascal Hachet,
Psychologue, docteur en psychanalyse

 

A la mémoire de Roger Lécureux

 

 

Communication faite le 22 janvier 2000 au Museum National d'Histoire Naturelle de Paris, dans le cadre de l'exposition "Comics park, préhistoires de bande dessinée", lors de la table ronde "L'univers de Rahan, du dessin à l'inconscient".
Expo a voir, jusqu'en mai 2000

Génèse d'une recherche

Je me suis lancé dans une recherche sur la psychologie du personnage de bandes dessinées Rahan pour deux raisons :

(1) D'une part, je partage avec quelques millions de personnes - nées grosso modo entre 1955 et 1970 et qui constituent ce que l'on pourrait nommer "la génération Rahan" - le fait que ce héros fut un compagnon de route essentiel même si imaginaire au cours de mon enfance et de mon adolescence .6 pages sur Rahan

(2) D'autre part, devenu psychologue et après avoir vu le film de Spielberg Jurassic Park, j'ai questionné la fascination et quelquefois la frayeur que les dinosaures suscitent chez les enfants voire chez leurs parents. J'en ai fait un livre : Dinosaures sur le divan. Chemin faisant, j'ai passé en revue diverses oeuvres ayant pour thème la Préhistoire. C'est donc tout naturellement que je suis retourné vers Rahan.

J'ai alors très vite constaté - par le biais de très nombreux indices - que l'attitude des personnages principaux de Jurassic Park face à nos aïeux, les dinosaures, et que l'attitude de Rahan face à son environnement humain et non-humain intéressaient la dimension transgénérationnelle de la vie psychique.

En ce qui concerne Jurassic Park, je pense que les dinosaures de Crichton et Spielberg, du fait de leur anachronisme, de leur stature écrasante, de leur recréation biogénétique aux allures de nécromancie et de la férocité de la plupart d'entre eux, représenteraient nos aïeux, morts mais toujours vifs dans notre mémoire, imposants, mystérieux et simultanément idéalisés, aimés et craints. Or, j'ai remarqué que les symptômes développés par les principaux personnages du film - à savoir la curiosité intellectuelle pointue mais aussi l'absence de désir d'enfant du paléontologue Grant, le sentiment de manque de reconnaissance et la psychopathie vengeresse de l'informaticien Dennys, le pseudo-intellectualisme du garçonnet Tim et la terreur ressentie par la fillette Alex - sont fréquemment retrouvés chez les personnes qui souffrent d'avoîr été durablement laissées dans l'ignorance au sujet des drames de vie de leurs parents ou de leurs grands-parents.

Lorsque je me suis risqué à mettre imaginairement Rahan sur le divan, j'ai de nouveau "entendu" une histoire de vie pouvant être questionnée selon une optique transgénérationnelle

Des qualités évidentes ... et des bizarreries

Rahan est un héros attachant. Lécureux et Chéret sont à juste titre fiers de leur personnage et - comme ils l'ont confié - s'y identifient quelquefois. Jusqu'ici, ce constat ne révèle rien de singulier. Mais la façon d'être du "Fils des âges farouches" présente d'intrigantes particularités :

(1) La plupart des qualités de Rahan ne sont pas natives. Certes présentes lorsqu'il était enfant, leur constance résulte surtout du serment que le garçonnet fit à Crao mourant - et à la demande de ce dernier - de gouverner sa vie avec les vertus représentées par les cinq griffes du collier qui lui fut alors légué. L'observance de ces qualités est donc entretenue par une allégeance affective à un ascendant souffrant.

le serment !

(2) Ces qualités ont quelque chose d'obsédant, d'excessif. Le héros est trop parfait. Pernin (1974) observe que sa "mission" - à savoir respecter les derniers souhaits de Crao - le voue à avoir "une vie totalement irréprochable" et que "seul, il assume la charge écrasante de messager, de médiateur, d'éducateur". Il s'interdit même d'avoir de mauvaises pensées envers ses semblables. Cela n'a pas que des conséquences heureuses. En effet, Rahan met souvent sa vie en danger pour respecter le serment fait à Crao.

(3) Parallèlement, l'exercice de ces qualités adoptées par serment n'est pas toujours pleinement accepté par le héros. Il arrive qu'il refuse rageusement de les mettre en oeuvre, même s'il le regrette rapidement.

(4) L'unique qualité qui paraît être naturelle chez Rahan est la soif de savoir. Elle se traduit par un sens de l'observation très développé et, consécutivement, par la faculté d'inventer des objets et des pratiques. C'est cornme si la curiosité et ses applications étaient le meilleur compromis - ou le moins coûteux - élaboré par le héros pour concilier, d'une part, ses aspirations, d'autre part, sa sensibilité trop développée aux valeurs transmises par Crao et enfin la souffrance psychique causée par le caractère forcené de cette allégeance.

(5) Les traits de personnalité les moins positifs de Rahan se manifestent de manière erratique, imprévisible, toujours brièvement et parfois spectaculairement. En quoi consistent-ils ? Roux (1979) repère des "moments de faiblesse" où le Fils des âges farouches a peur, mal et faim, et Sadoul (1989) remarque qu'il manque globalement d'humour. Dans le récit lui-même, Tawa estime que son fils adoptif est bien trop curieux. Mais il y a beaucoup plus intriguant. Le héros est régulièrement en proie à une phobie des morts. Il erre perpétuellement. Il n'a pas de compagne ni d'enfants, sauf à l'extrême fin de ses aventures.

Ou ??(6) De plus, si la façon dont le héros fait allégeance à son père adoptif est claire, ses propres désirs sont congrus et énigmatiques. En effet, il est occupé tantôt à traquer l'endroit où le soleil se couche, tantôt à suivre la direction indiquée par la lame de son coutelas lorsqu'il la fait tournoyer sur une pierre. Quelle est l'articulation entre sa loyauté intense aux valeurs transmises par Crao et la relative indigence - ainsi que la bizarrerie - de ses aspirations ? Pourquoi Rahan, qui est si empressé pour mettre scrupuleusement en application les qualités que Crao lui a demandé de respecter, donne-t-il simultanément à voir qu'il a du mal à exister pour lui-même, sinon à travers d'étranges comportements : être obsédé par l'envie de découvrir la "tanière" de l'astre du jour et s'en remettre à son arme pour choisir son chemin ?

Petits et grands secrets

Pour répondre à ces questions, il faut prendre la mesure de l'importance du thème du secret dans les Aventures de Rahan.

(1) D'abord, il s'agit surtout des secrets de la nature, que Crao encouragea Rahan à découvrir et qui débouchent sur des inventions concrètes, souvent liées à un contexte de péril. Le héros est en quelque sorte condamné à inventer pour rester en vie.

(2) Ensuite, il s'agit de situations de secrets explicites et propres à un clan comme dans Le Secret des eaux profondes - ou de phénomènes étranges qui génèrent certaines croyances et appréhensions, comme dans La Caveme hantée et Dans les entrailles du "gorak". Le Fils des âges farouches les dévoile. Il lève par exemple le mystère des "morts" de la crevasse dans La Grande peur de Rahan.

Rahan bébé avec ces parents et Shawa ! (3) Il s'agit surtout des secrets douloureux de son père adoptif Crao et de sa mère adoptive Shawa. Je développerai ici mon propos. L'enfant a découvert par lui-même que cette femme n'est pas sa vraie mère et qu'elle est par contre celle de Crao. Il le dit à Crao lorsqu'elle meurt, dans Le Secret de l'enfance de Rahan. Mais pour Crao, c'est beaucoup moins clair. Tout laisse à penser que Rahan le tint pendant longtemps pour son vrai père... De surcroît, comme nous l'apprenons dans plusieurs récits tardifs, Crao occulta complètement le fait qu'un autre clan que le sien rendit hommage aux dépouilles des parents du héros. L'escamotage de cette information donna lieu à un questionnement tourmenté chez l'enfant quand il constata une différence entre les armes que Crao lui dit avoir trouvées près de ses parents morts - des haches - et celles qu'il vit lui-même près de leur sépulture, des lances. Cette bizarrerie ne fut explicitée que par Shawa mourante, dans le cadre d'un de ces mêmes et ultimes épisodes, et résulte bel et bien d'un secret - que la vieille femme qualifie comme tel - farouchement détenu par Crao. Il n'est pas anodin de constater que ce récit - Le Petit Rahan - dévoile non seulement des éléments importants et douloureux de l'histoire des parents adoptifs de Rahan, mais également l'identité et l'histoire de ses parents biologiques. Mais on peut aller plus loin. Le secret de l'hommage funéraire aux parents du héros en cacherait un autre. Si Crao se serait érigé en parangon de sagesse, ce serait pour racheter inconciemment la rudesse de ses proches, qui - comme nous l'apprenons alors - l'abandonnèrent enfant avant qu'il ne retrouve plus tard sa mère Shawa. Crao et Shawa aurait enfermé à double tour dans leur mémoire le fait que Crao fut indûment et donc honteusement abandonné par son clan, et non dans le cadre d'un bannissement rituel. De sorte que par sa rectitude morale, Crao adresserait le message suivant à son propre "je répare la honte que ton geste d'abandon commis envers moi a dû susciter en toi sous le regard des autres membres du clan".

http://go.to/rahan

Comme en manière de constellation autour de cette possible occurrence, on constate que tous les autres membres de l'entourage précoce de Rahan vécurent une douloureuse expérience de séparation d'avec ceux qu'ils aimaient. Tukan-Yuma, qui aida Honou à accoucher du héros, fut précocement orpheline. Les parents de Rahan furent, certes une fois adultes, bannis par leur clan. Et Shawa se bannit - rétablissant pour elle-même une coutume abolie par Crao (et pour cause !) - lorsqu'elle sentit qu'elle allait mourir. De sorte qu'exposé aux zones d'ombre de ses parents adoptifs, le héros aurait été poussé à résoudre le faisceau de questions suivantes : comment consoler ceux qui ont été abandonnés ou bannis par leurs proches ? Comment peut-on les aider à aimer néanmoins ces proches coupables d'abandon ou de bannissement ? En définitive, pourquoi des proches choisissent-ils d'abandonner ou de bannir ceux qu'ils aiment ? Les lecteurs, quant à eux, seraient simultanément mis sur la piste du "crime" affectif dont Crao aurait été victime - et Shawa le témoin impuissant - et tenus à distance de ce forfait , car ils sont tentés de penser : "puisque d'autres personnes tirent 1'expérience de ce type de séparation, une telle pratique était sans doute banale en ces temps farouches et il n'y a raison de supposer que ceux qui la subissaient aient pu en souffrir traumatiquement"

 

Ces hypothèses permettent de rendre compte des énigmes que Rahan tend à ses lecteurs.

Le héros serait poussé à partir et à errer pour montrer inconsciemment à ses parents adoptifs jadis bannis qu'il y a du plaisir à être seul, que cela pousse à découvrir le monde, que la coupure d'avec les autres êtres humains rend libre d'ouvrir son esprit aux mystères les plus exaltants de la nature. Et l'errance joyeuse comme solution pour la douleur d'ascendants autrefois séparés des leurs se combinerait à la perception par le héros de la douleur - inélucidée de bout en bout - de Crao de ne pas avoir eu d'enfant, afin de fabriquer une solution complémentaire . ne pas devenir père.

La tanniere du soleil ??Dans de nombreux épisodes, Rahan cherche la "tanière" du soleil. Tantôt ascendant et tantôt descendant, le soleil en mouvement métaphoriserait la succession des générations, et la quête du héros exprimerait le désir de trouver place dans une filiation compliquées. Ce lien peut être étayé par la blondeur de Rahan, fréquemment surnommé "cheveux-de-feu" par les clans qui le rencontrent. Or, la couleur des cheveux fait partie du legs génétique. Et dans le cas d'un homme vivant dans un monde où presque tous les hommes sont bruns, la blondeur connote un héritage singulier. On peut aussi comprendre la quête de l'endroit où le soleil se couche comme le désir de faire la lumière sur quelque chose de caché : la secret des origines du héros. En témoigneraient la phobie des ténèbres présentée par Rahan et son aversion pour ce qui est trouble et dissimulé. L'interrogation au sujet de la localisation de la "tanière" du soleil, autrement dit du lien existant entre l'aube et le crépuscule, correspondrait à la recherche d'une articulation entre les ascendants et les descendants, au besoin de savoir comment les générations s'agencent et, donc, se succèdent.

Le fait que l'intelligence de Rahan bute irréductiblement contre la question du devenir du soleil lorsqu'il n'est pas visible corroborerait le lien existant entre ses efforts pour scruter la"face sombre" de l'âme de ses parents adoptifs - surtout son père - et sa propre difficulté à savoir où il se situe sur le plan générationnel. On peut donc supposer que la trajectoire du soleil lève les questions suivantes dans l'esprit du fils de Crao . Suis-je le fils d'une ascendance ? Suis-je le père d'une descendance ? Mais comment être à la fois l'un et l'autre, ou plutôt l'un puis l'autre, puisque ce qui sépare les deux mouvements de l'astre diurne m'apparaît comme une formidable énigme ? Comment, de fils, devient-on père ? Comment peut-on être un jour à la fois fils et père ? Comment peut-on obéir en même temps au désir d'attachement aux géniteurs et au désir de maturation qui culmine avec la parentalité effective ?

Mais les pas de Rahan ne sont pas toujours guidés par sa quête de la"Tanière" du soleil. "Quand aucun but précis ne guide ses pas", lit-on dans Le Clan du lac maudit, il pose son coutelas sur une pierre et le fait tournoyer.Tourne , tourne .... coutelas !? Puis il suit la direction désignée par la pointe de cette arme quand elle s'immobilise. Il maugrée parfois, mais s'incline toujours devant le résultat. Pourquoi Rahan recourt-il à une pratique "ordalique", c'est-à- dire où il délègue entièrement au hasard le soin de préciser un projet essentiel : savoir où se rendre ? La réponse passe par la compréhension de la manière dont les individus soumis à un secret de famille se débattent avec leurs désirs. Les aspirations de ces personnes sont fréquemment battues en brèche et rendues confuses, bizarres et biscornues. En effet, ce que le sujet désire est contrarié par la partie de son psychisme qui continue, bien au-delà de l'enfance, à imaginer d'occultes solutions pour les impasses de ses parents ou de ses grands-parents. S'il ne déconstruit pas sur le divan ce hiatus entre soi et soi, ce sujet adopte une attitude de scepticisme croissant vis-à-vis de ce qu'il désire et il s'en remet soit aux décisions des autres soit au hasard. En d'autres termes, lorsqu'il est confronté à un choix important, c'est hors de lui-même et de ses aspirations qu'il cherche des éléments de réponse. Ainsi procéderait Rahan.

Rahan petit et CraoA la lueur de ces différentes considérations, les Aventures de Rahan exprimeraient une réalité simple : l'héritage mental que nous recevons de nos ascendants, par le biais de la relation affective que nous avons avec eux au cours de notre enfance, ne comporte pas que des aspects positifs, constructifs. Variable selon les individus, une partie de ce legs est sombre. Or, les zones d'ombre de la vie de nos ascendants ne sont pas plus assimilables par nous qu'elles ne le sont ou furent par eux ! De sorte que dès l'aube de notre existence, nous sommes contraints de lutter pour nous déprendre de l'influence qu'elles exercent par le biais de nos attentes affectives. Chez le personnage de Lécureux et Chéret, la part positive de cet héritage se traduirait par un amour respectueux de la nature et des hommes et par un courage à toute épreuve

La part négative de cet héritage n'est pourtant pas négligeable. Elle serait due à l'exposition psychique précoce et prolongée du héros aux symptômes issus des secrets douloureux de son père adoptif - et dans une moindre mesure de sa mère adoptive - dont la conséquence manifeste serait que cet homme n'eut ni femme ni enfants bien qu'il soit chef de clan. Cette part négative se traduirait notamment par le fait que Rahan n'hérite pas naturellement de son coutelas, mais qu'il se l'approprie brutalement en le volant, mais aussi par son refus forcené d'attaches vis-à-vis des territoires et des clans, sa phobie de la mort et des morts et le fait qu'il ne prenne pas femme - à une, tardive et étrange exception près - et n'ait pas de descendance ; ou du moins qu'il reste un certain temps sans savoir qu'il va être père puis que ses enfants sont nés. Quant à les retrouver enfin, seule la suite - très récemment annoncée - des aventures du fils des âges farouches nous dira s'il en sera ainsi. Mais je gage que le chemin de ces retrouvailles sera particulièrement semé d'embûches.

Mais ce qui compte - et c'est en cela que ce personnage de bandes dessinées proposerait un modèle identificatoire unique à ses lecteurs -, c'est que Rahan combine dans un sens globalement favorable la partie positive et la partie négative de son héritage psychique, car l'impression dominante est que le héros aime sa vie et son prochain.

Rahan, sur le divan

La mise en scène d'une problématique psychique collective

En plus de leur richesse narrative et de leurs superbes qualités esthétiques, quelles seraient donc les raisons du succès des Aventures de Rahan ?

(1) D'abord, ces récits mettent en avant le bonheur qu'il y a à vivre quelquefois seul et à ne pas pouvoir ni vouloir alors compter sur nos ascendants ni sur nos autres proches. La solitude y est véritablement érogénéisée, même s'il s'agit d'un compromis, d'un arrangement libidinal, et non d'un choix, puisque je propose de comprendre l'errance du héros comme un essai inconscient pour soulager la douleur de ses parents adoptifs marqués par des expériences d'abandon. Ce n'est peut-être pas un hasard si la génération des lecteurs de Rahan est aussi celle du divorce record et de la dénatalité. Car ces occurrences concrétisent souvent la tentative hasardeuse de couper les ponts - au-delà d'un conjoint avec lequel on a du mal à continuer de grandir ou d'enfants que l'on répugne à concevoir - avec des géniteurs voire des aïeux dont la souffrance lesta l'inconscient de leurs descendants d'un insupportable fardeau.

(2) Ensuite, les périls auxquels le héros est confronté ne le rendent ni mauvais ni fou. Il en fait toujours quelque chose, ce qui constitue un puissant levier identificatoire. Tout ce que nous vivons est prétexte et occasion de parfaire notre équilibre intérieur, par définition instable. Parmi les conflits susceptibles d'altérer cette homéostasie figure notre sensibilité passée - et vivace cependant - à la souffrance plus ou moins cachée de nos ascendants. Les jeunes lecteurs qui souhaiteraient inconsciemment mettre en travail cet aspect de la conflictualité psychique trouveraient matière à le faire en partageant assidûment les aventures du fils de Crao.

39-45 en bd par R Lecureux(3) Enfin et de fait, ces aventures sont lues par des enfants et des adolescents - et bien souvent des adultes ! - qui sont "coincés" entre une modernité tumultueuse et des parents et des grands-parents fréquemment arrimés au passé et rendus mutiques par les secrets douloureux et les deuils non faits dont ils sont porteurs. Une partie de ces expériences traumatiques prend source dans les deux guerres mondiales, l'occupation la guerre d'Algérie et les autres conflits coloniaux. Les générations actuelles ont donc de plus en plus à travailler pour s'accomoder du legs mental transmis par leurs ascendants. En renforcement de cette accumulation effarante de squelettes dans les placards familiaux et collectifs au cours de notre siècle, l'allongement spectaculaire de l'espérance de vie fait que l'environnement affectif des "petits-d'hommes" qui viennent aujourd'hui au monde se compose d'un nombre inégalé d'intervenants : les parents, les grands-parents, les arrière-grands-parents, les grands-oncles, etc. Ces fées qui s'accumulent autour des berceaux souhaitent et peuvent agir pour le meilleur. Certaines fournissent notamment une aide relationnelle et financière non négligeable à des couples qui peinent à concilier les contraintes professionnelles et les contraintes inhérentes à la parentalité. Mais en dépit des meilleures intentions du monde - dont la plus nocive est peut-être la croyance selon laquelle il ne faut rien dire aux enfants des drames familiaux parce que ça leur ferait du Mal - Alors que les intéressés ont malheureusement tout le loisir de sentir qu'on leur cache quelque chose d'important et de douloureux par le biais des émotions et des gestes de ceux qui mettent tant de soin à vouloir les préserver de ces secrets de famille! -, elles agissent parfois pour le pire. A l'image de Rahan qui doit faire face à un environnement humain et naturel extrêmement varié, tantôt merveilleux et tantôt terrible, les plus jeunes de nos contemporains sont condamnés à mettre en place en eux-mêmes des stratégies inédites pour recevoir des héritages psychiques de plus en plus singuliers. Ces héritages comportent une probabilité accrue de "toucher le gros lot". par addition d'influences transgénérationnelles positives : ouverture d'esprit, tolérance, créativité, capacité à faire face et à résoudre des problèmes de tous ordres. Mais ils exposent quelquefois à de graves troubles psychiques. Ces troubles correspondent alors à l'impossibilité de mettre en cohérence des apports mentaux trop divergents. Il y a tout lieu de penser que l'on n'a pas fini d'en découvrir les modalités symptomatiques. La sémiologie et le traitement de ces maladies de l'esprit bouleverseront peut-être les savoirs et les pratiques de la santé mentale au cours du siècle qui s'ouvre. D'ores et déjà, les psychanalystes s'aperçoivent que les symptômes des personnes qui entreprennent l'odyssée du divan plongent de plus en plus souvent des racines jusqu'à la première ou la seconde génération ascendante. C'est dire combien les Aventures de Rahan, par les temps qui courent, représentent un allié culturel précieux, tant pour les enfants et les adolescents que pour leurs parents, sans omettre les professionnels de la psychologie et de la psychiatrie. Ce n'est peut-être pas le moindre mérite de cette oeuvre extraordinaire.

 

 

 

Integrale SoleilBibliographie

Chéret, A., Lécureux, R. (1969-1995) Tout Rahan. Toulon : Soleil, 27 volumes, 1992- 1997. Réédités en 1998, 22 volumes.

Chéret, A., Lécureux, R Productions-CentLys. 1999) Le Mariage de Rahan. Paris-Grigny : Lécureux

Hachet, P. (1998) Dinosaures sur le divan, psychanalyse de Jurassic Park. Paris Aubier

Pernin, G. (1 974) Un monde étrange: la bande dessinée. Paris: Clédor.

Roux, A. (1 979) "Radiographie d'un héros de papier: Rahan", revue L'Ecole et la nation, mars 1979, pp.58-61.

Sadoul, J. (1 989) 93 ans de BD. Paris: J'ai lu.

6 pages sur Rahan

Dinosaure sur le divan :
psychanalyse de Jurassic Park de Pascal Hachet (Aubier, isbn 2700724054, 192 pages
dont 7 sur Rahan)

est un livre destiné au grand public paru en septembre 1998. Il est en vente en ligne sur les sites de VPC

 

Le livre sur Rahan, "Psychanalyse de Rahan" de Pascal Hachet, est paru.

Ce livre est destiné à tous public, fans et non-fans qu'ils soit psy ou non-psy. Bien que pour celui qui est non-psy et non-fan à la fois la lecture sera plus dure.

C'est un livre passionnant qui mérite d'être lu !

Regarder la page 135, on y parle du site (page sur le sondage).

Attention le tirage n'est pas celui d'un album de Rahan, donc si votre libraire ne l'a pas, n'hésite pas à le commander, voici les références :

PSYCHANALYSE DE RAHAN
Le fantôme d'un héros de BD

par Pascal Hachet aux éditions l'Harmattan.

156 pages - 90 FF - ISBN : 2-7384-9157-X

Je prépare une interview de Pascal Hachet sur ce livre, si vous avez des questions, merci de me les communiquer par mél ou par un message.

Pour vous faire une idée du propos, vous pouvez lire les pages sur le livre précédent, Dino sur le divan, ainsi que la communication faite sur Rahan au Museum d'Histoire Naturel de Paris.

La commande en ligne est possible sur certaines librairies en ligne.

Attention !!!!!Le tirage est prévu à seulement 500 exemplaires, conseil aux collectionneurs faites vos réservations.
Ce livre pourrait vite devenir un collector.

Avec un dessin original de Cheret

 

 


 
 


 



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